Croatie - Serbie - Roumanie - Serbie - Bulgarie

(D'Osijek à Vidin)

 

Jour 23 (8 Août) : Osijek - Bačka Palanka - 91 km

Réveil tout en douceur dans le Bed and Breakfast, breakfast justement et préparation des sacoches pour un nouveau départ. Il fait encore un temps magnifique ! Bon, ok ! Il fera un temps magnifique jusqu'à Istanbul donc ... c'est la dernière fois que j'en parle !

Il fait donc un temps magnifique ! Oups ! Pardon ! 

Pour démarrer bien tranquillement, nous empruntons une piste cyclable qui longe la rue principale d'Osijek mais, malheureusement, celle-ci se termine bien vite.

Toutefois, dimanche oblige, la circulation sera particulièrement limitée. Ce fut même l'occasion de constater la différence entre "nos" routes et celles de Hongrie, Croatie, Serbie, ...

Chez nous, qui dit routes dit ... voitures les empruntant. Là-bas, qui dit routes dit, à de rares exceptions près, pas de circulation. Peut-être la voiture a-t-elle encore cette fonction utilitaire qui a disparu chez nous ? Ici, on roule pour rouler ; là-bas, on roule parce qu'on a quelque chose à faire. 

Nous quittons les rives de la Drava pour retrouver notre cher Danube à Dalj. Nous avons traversé des paysages ruraux alternant les champs cultivés avec de grandes parcelles en friche. A la vue de certaines pancartes incitant à la prudence, nous comprendrons que la cause est la présence de mines !!!

Nous ne tarderons d'ailleurs pas à entrer dans Vukovar, trop bien connue pour des destructions liées à la guerre en ex-Yougoslavie. Des maisons entières restent en ruine et que dire du château d'eau qui s'élèvent comme un symbole de l'absurdité de cette guerre, de l'absurdité de toutes les guerres. Nous pique-niquons le long de l'eau et rencontrons à cette occasion deux jeunes Français voyageant à vélo, l'un sur un vélo traditionnel et l'autre sur un vélo couché à 4 roues tirant une remorque dans laquelle trône un ... énorme chien !!!!!

Repus, nous continuons la route en longeant le Danube et en traversant de charmants villages endormis le long du fleuve : Opatovac, Mohavo, Sarengrad. Autant de descentes et de montées à plus de 10% !

Finalement, on atteint Ilok dernière ville croate de notre périple. Nous tournons à gauche, traversons le pont sur le Danube, attendons que le douanier nous mette un coup de tampon sur notre passeport et ça y est ! Nous sommes en Serbie !!! Nous voilà à Bačka Palanka !

J'avais repéré sur la carte un lac dans le Naturpark Tikvara. Nous nous y dirigeons et trouvons beaucoup de gens campant au bord de l'eau. Nous nous joindrons à eux pour la nuit. Certaines tentes sont occupées par des familles, d'autres par des jeunes habillés en vêtements camouflage et avec tout le parfait attirail du parfait petit Serbe défenseur de la patrie : couteau à la ceinture, t-shirt avec l'aigle à deux têtes symbole de la Serbie, ... Ca craint !!!

On se baignera quand même et dormirons plutôt bien même si, vers 4 heures du matin, un énergumène (?) nous cria près de la tente : "We hate America's sons but we wish you nice holidays in Serbia ! Enjoy your stay and your trip in our country !!!!" Tout la paradoxe de ce pays nous saute à la figure d'entrée !!!!

 

Jour 24 (9 Août) : Bačka Palanka - Indjija - 109 km

Nous sommes les premiers à nous lever et les baigneurs ne sont pas encore là. C'est donc le calme absolu pour le petit-déjeuner. Rangement et nous voilà partis pour notre première journée complète en Serbie. Nous prenons la route principale (la N°7) qui mène à Novi Sad. C'est aussi le trajet suivi par la véloroute n°6 agrémentée de très nombreux panneaux indicateurs avec le nom de villes, le kilométrage précis à l'hectomètre près et une maxime. "Les flocons de neige ne tombent jamais au mauvais endroit" par exemple, ... Mais celle qui nous a le plus estomaqués reflète-t-elle l'auto-dérision, le cynisme ou l'ironie piquante dont peuvent faire preuve les Serbes ? "Vous êtes en Serbie centrale et à cours d'argent ? Pas d'inquiétude ! La plupart des gens autour de vous sont dans la même situation." Etonnant, non ? Pour la suite du voyage, j'avais pris la peine d'imprimer les cartes et les explications tirées du site suivant : http://www.donau-info.org/donau.php?pg=4&ld=sr. C'est en anglais ou en allemand mais c'est une mine d'or !!!! 

Retour sur la route : la circulation des camions est assez intense sur cette portion aussi, sommes-nous très heureux de bifurquer à Futog pour prendre le chemin de halage, goudronné, qui nous mènera jusqu'au centre de Novi Sad. Entre la digue et le Danube, on a bien l'impression que cette zone doit être considérée comme la décharge publique. Des montagnes d'ordures ! Ca pue et c'est laid !!! Deux cochons s'y baladent ! Cela me rappelle "l'île aux fleurs", un court-métrage édifiant sur notre monde. Nous traversons la banlieue glauque de Novi Sad, partagée entre des immeubles plus que vieillots et des casernes militaires d'un autre âge.

Petit tour au centre-ville de cette ville moderne, truffée de banques (!!!), quelques courses et pique-nique dans un joli parc ombragé.

Quelqu'un tient à nous expliquer que le nom du boulevard est celui d'un personnage d'origine serbe à qui l'on doit le téléphone, l'ordinateur, ... : Tesla. Toujours fiers, les Serbes !

Nous traversons le Danube pour passer au pied du château de Petrovaradin. Halte café quelques kilomètres plus loin dans la charmante petite ville de Sremski Karlovci. Elle est célèbre pour son vin (le Karlovaćki Rizling) que nous ne goûterons pas malgré la présence de nombreuses caves. La chaleur nous incite à la plus grande prudence !

Dès la sortie de la ville, la route va s'élever durant 4 kilomètres (270 mètres de dénivelé), nous ramassons des poivrons perdus par un camion, croisons des randonneurs à pied et ... arrivons au sommet. Ici, nous bifurquons à gauche où une belle descente va nous mener jusqu'à Beška. Nous sommes dans la plaine de la Voivodine. La route est plate, toute droite et déserte. Nous sommes en fin d'après-midi, la lumière est magnifique. A Novi Slankamen, nous quittons la véloroute n°6 pour aller en direction d'Indjija où nous devons dormir chez Igor. Cette ville est, pour beaucoup, un modèle de développement en Serbie. Le maire a renforcé le pouvoir des citoyens dans les prises de décision, a amélioré des nombreuses infrastructures et a attiré les investisseurs étrangers. D'ailleurs, le Financial Times l'a déclarée "European city of the future" !!

Nous retrouvons Igor à la gare car il revient en train de Belgrade où il travaille.

Nous préparons le repas chez lui, discutons ... de vélo surtout et profitons d'une bonne nuit de sommeil. 

Jour 25 (10 Août) : Indjija - Beograd - 43 km

Petite étape aujourd'hui : nous devons juste rallier Belgrade où nous serons hébergés par Milica et Aleksandar. Igor doit partir travailler très tôt ce matin, nous laisserons donc les clés chez sa mère qui habite juste à côté.

Nous décidons de prendre la route principale entre Indjija et Belgrade en espérant que la circulation ne soit pas trop dense. Igor nous a dit la prendre souvent sans ennui. Et c'est parti !!!! Deux kilomètres plus tard, je remarque au loin une petite boule  de poil au milieu de la route. C'est un chaton terrorisé qui n'ose bouger. J'essaie de lui faire peur mais rien n'y fait et je ne peux m'arrêter talonné que je suis par une voiture. Par contre, Karin peut stopper en plein milieu de la chaussée, prendre le chaton tout tremblotant et ... le jeter au delà du talus. Peut-être y est-il encore ? La route est assez inintéressante, rien à voir si ce n'est des champs à perte de vue.

Nous entrons alors dans Zemun, une ville limitrophe de Belgrade et là, nous devons vraiment faire attention. La route est devenue une 4 voies sans piste cyclable. Les bus nous frôlent, les camions nous frôlent, les voitures nous frôlent, ...

Vite, nous bifurquons à gauche pour nous retrouver le long du Danube sur une piste cyclable.

Belgrade nous apparaît enfin. Nous stoppons après le casino en attendant qu'Aleksandar vienne nous récupérer.

Milica et Aleksandar vivent à Novi Beograd coupé du centre-ville par la Sava. Ils nous apprennent d'ailleurs que les Balkans commencent en traversant cette rivière. Rakia et café turc pour commencer !! Nous discutons de choses et d 'autres et nous nous sentons tout de suite à l'aise tant nous avons de choses à partager. 

L'après-midi sera consacrée à la visite de Belgrade. Nous en gardons une belle et rafraîchissante impression ; on ne sent pas submergés par le consumérisme qui a dénaturé tant de centres-villes occidentaux. 

De retour à l'appartement, nous faisons connaissance avec Milica de retour de son travail d'enseignante. Le repas préparé par Aleksandar sera délicieux et la présentation digne d'un 3 étoiles Michelin !!! Nous passons la soirée à discuter et apprenons tant de choses sur les Serbes et la vie ici (bien difficile pour tous à cause du manque d'argent et des hommes politiques corrompus). Une halte dont on se souviendra longtemps ! Un peu à l'image de toute notre traversée de la Serbie ! 

 

Jour 26 (11 Août) : Beograd - Kovin - 82 km

Qu'il est dur de quitter des personnes avec qui on se sent bien, avec qui on a tant de choses à partager ! Malheureusement, et c'est assurément le gros "inconvénient" de ce voyage, nous avons un semblant de timing à respecter : le retour est prévu le 27 Août à Istanbul.

De plus, nous avons la bêtise de croire que nous les gênerions si nous restions plus longtemps, ce qui est évidemment absurde ! Mais nous savons que nous nous reverrons !!

Grâce à l'aide de nos hôtes, nous arrivons à sortir de Belgrade ... au péril de notre vie !!! La route pour Pančevo est encombrée de camions et nous devons franchir un pont à 4 voies où notre seule chance de survie (j'exagère à peine) est d'emprunter le "trottoir" complètement défoncé par endroit. Ouf !!! C'est fait !!!! Notre voyage se poursuit sur ... l'autoroute !! On y trouve des ... feux tricolores, on y double ... une charrette tirée par un cheval et on passe à côté d'un ... radar. Aucun risque d'infraction pour nous !!!

Pančevo est connu pour sa raffinerie et ses industries chimiques. Autant dire que nous n'y traînons pas ! Par contre, nous nous arrêtons dans le village suivant (Starčevo) pour le pique-nique. Un Serbe vient essayer de discuter avec nous, il est heureusement aidé par un habitant du coin travaillant ... en France ! Toujours ce désir d'échanger, d'en savoir plus sur l'autre ... et de prouver par là que la Serbie est un pays attachant. Nous rencontrons également Daniel, un Allemand qui a décidé de se séparer du groupe avec lequel il était parti en direction d'Istanbul. Nous passerons dès lors 3 jours ensemble.

Nous repartons donc tous les trois en direction de Kovin. Les routes sont encore une fois désertes. A l'approche de la ville, nous traversons, comme souvent, un quartier en périphérie habité par des Roms. Cela ressemble plutôt à un bidonville avec de pauvres bicoques construites de bric et de broc. Les gens nous font signe et sourient à notre passage même s'ils doivent être assez incrédules devant nous trois passant par ici.

Kovin. Son magasin où je ferai quelques courses (rapides, il n'y a quasiment pas le choix), sa Poste (où il faudra 10 minutes pour se comprendre avec le guichetier alors que je ne voulais juste affranchir des cartes !), sa piste au bord du Danube.

Nous voilà donc au bord du Danube sur une piste défoncée et très herbeuse. Pénible en fin d'étape ! De grands oiseaux noirs nous surveillent depuis les branches d'un arbre décharné. Un énorme tuyau obstrue la route, nous filons maintenant à travers champs, demandons notre route à un berger, et finissons dans la cour d'une maison isolée où les aboiements d'un chien nous font faire demi-tour.

Peu après, nous arrivons enfin au terme de l'étape, un terrain au bord du Danube où trône un charmant petit restaurant de poissons.

On installe les tentes, rencontrons un Français qui s'avérera être ... très très très bavard ! C'est le repas : pique-nique pour moi, poissons pour Karin et Daniel.

Le soleil rougeoyant darde ses derniers rayons. Il est l'heure de savourer et de se préparer pour une nouvelle nuit de profond sommeil.

Jour 27 (12 Août) : Kovin - Beli Bagrem - 55 km

Le Français bavard part avant nous car il prévoit de s'arrêter plus tard pour le petit-déjeuner. Nous prenons notre temps et démarrons tranquillement sur la piste défoncée que nous suivrons sur 15 kilomètres environ. Le Danube devient ici très large et se ramifie en de nombreux bras. C'est magnifique, magnifiquement calme et paisible. Quelques pêcheurs ajoutent à la sérénité du lieu. Le temps semble s'être suspendu. 

On retrouve le goudron pendant quelques kilomètres. Nous bifurquons ensuite à droite pour prendre une piste qui nous mènera jusqu'au bac menant à Ram. A présent, nous sommes avec Daniel (qui lui, fera un détour jusqu'à Bela Crkva avant de prendre le bac), le Français que nous avons retrouvé et deux jeunes filles Belges.

En fait de piste, nous pédalons sur la digue au milieu de l'herbe, en slalomant entre les trous. La chaleur finit de nous assommer ! Nous arrivons à l'embarcadère  ... pour apprendre que le prochain passage a lieu dans deux heures. Nous en profitons pour manger sur la terrasse d'un restaurant fermé et buvons ici notre premier café truc dès l'ouverture.

Enfin l'heure du bac. La vieille barge sur laquelle nous nous trouvons est poussée sans à-coups par un bateau placé parallèlement à celle-ci. On se sent pas le moteur et, comme je l'avais lu quelque part, nous serons, pendant 20 minutes de traversée, comme sur un tapis volant. Le Danube est infiniment large, infiniment calme. Dommage qu'une chaleur humide et étouffante nous écrase littéralement. 

La montée à la sortie de Ram nous achève carrément. On traverse Zatonje, un village perdu où nous sommes étonnés de voir de si belles maisons. Maintenant, sur l'autre rive du Danube, c'est la Roumanie. Incroyable d'être arrivés jusque là !!! Mais, nous ne pensons pas à cela maintenant. Nous ne pensons plus à rien tellement il fait chaud et humide. Nous sommes à l'intérieur d'une étuve !!! Arrêt à Veliko Gradište où Karin, épuisée, s'endort sur une pelouse à l'ombre. Il nous faut décider de la suite sachant que nous ne sommes plus en état de rouler beaucoup. Nous faisons demi-tour pour nous diriger vers le camping de Beli Bagrem, au bord du Srebbrno jezero (le lac d'argent). Nous demandons notre route et apprenons qu'il reste 6 "miles" avant le camping et ... 500 mètres après, nous voilà devant l'entrée !!!! Camping n'est peut-être pas le terme le plus adapté pour ce ... cimetière de caravanes. Nous retrouvons le Français qui "monologue" avec un couple en camping-car. Chacun son tour !!!

Passage en terrasse le soir mais il y a décidément trop de monde dans cet endroit très touristique.

 

Jour 28 (13 Août) : Beli Bagrem - Donji Milanovac - 83 km

Nous quittons rapidement le camping ce matin. Assez de ce lieu un peu glauque ! Nous arrivons à Veliko Gradište où nous décidons d'aller faire un tour au marché. Sur le trottoir, nous découvrons le vélo chargé de Daniel ! Il arrive quelques instants après. Retrouvailles joyeuses, discussions, récits, ... Ensuite, il souhaitera prendre son petit-déjeuner dans un parc pendant que nous repartirons, sûrs de le retrouver plus tard. Nous ne savons pas encore que c'est la dernière fois que nous nous voyons.

Les petites villes que nous traversons ensuite le long du Danube (Vinci, Usije) sont comme des mini-stations balnéaires. Et que dire de Golubac si ce n'est que c'est une très plaisante bourgade toute tournée vers les activités de plaisance sur le Danube.

Nous sommes ici au début des Portes du Fer, l'endroit où le cours du Danube va emprunter des gorges impressionnantes. Le fleuve a gagné en profondeur (jusqu'à 100 mètres !) ce qu'il a perdu en largeur. L'entrée de cette portion de fleuve est gardée par la forteresse de Golubac, impressionnant ensemble architectural du XIVe siècle.

A cet endroit précis, nous devons subir un vent de face très violent (le pire ennemi du cycliste) qui, heureusement, ne dure pas très longtemps. La route, encore une fois, est quasiment déserte et, en plus, se trouve à l'ombre. Une route parallèle suit la rive roumaine du fleuve mais nous sommes heureux de ne pas l'emprunter car elle est inondée de soleil. Nous sommes à la mi-Août et il est normal de trouver de fortes chaleurs par ici. Peu après, nous entrons dans le tunnel n°21 (puisqu'il y en a ... 21). Aucun n'est éclairé mais le plus long doit faire 350 mètres de long environ. Autant dire que les risques sont limités puisque la chaussée est bonne et la circulation automobile quasiment inexistante.

Nous nous arrêtons à Dobra pour pique-niquer sous une sorte de petit kiosque abritant une fontaine. Une jeune fille servant au bar voisin viendra régulièrement ici laver la vaisselle ! D'ailleurs, nous irons nous faciliter la digestion avec un délicieux café turc (accompagné d'un verre d'eau gazeuse et d'un loukoum) qui nous coûtera l'équivalent de 40 centimes. 

Pendant le repas, un homme passant par là, un Serbe travaillant à Belgrade, nous expliquera que, comme partout, la société change ici aussi, que l'entraide disparaît peu à peu, que l'individualisme gagne ; en un mot, que la Serbie subit elle aussi les ravages du capitalisme.

Il nous dira aussi que toute la zone que nous parcourons fait partie du Parc National Derdap et, qu'à ce titre, on ne peut y utiliser aucun produit tel que les pesticides, ... Pour lui, on y mange aussi le meilleur miel d'Europe.

La café turc dégusté, nous reprenons la route. Celle-ci devient plus vallonée mais toujours aussi belle et calme. Juste avant la bifurcation pour le musée Lepinski Vir (construit près d'un site attestant la présence humaine en ces lieux dès le Néolithique), nous croisons un groupe d'une dizaine d'Autrichiens roulant bon train. Nous comprendrons tout de suite après pourquoi ils allaient si vite. Nous entamons en effet une sévère montée d'environ 2 kilomètres mais le paysage enchanteur nous fait apprécier ce moment d'effort.

Du sommet, nous apercevons au loin Donji Milanovac, le terme de l'étape du jour. Une longue descente après, nous voici arrivés.

Nous ne savons pas trop où dormir mais cela attendra : nous allons nous baigner dans le Danube, nous douchons sur la plage et dînerons ensuite sur celle-ci.

Une grande pelouse sépare la ville du fleuve ; nous y installerons notre tente tout près d'un bâtiment. Au réveil, après une nuit sans encombre, nous découvrirons que c'est le bâtiment de ... la police !!! 

En tout cas, ce fut une étape magnifique par les paysages, la tranquillité des routes, les rencontres effectuées, un résumé de tout le voyage en quelque sorte.

Jour 29 (14 Août) : Donji Milanovac - Klagovo - 97 km

Nouvelle étape superbe en prévision aujourd'hui : la suite des gorges avec, d'après ce que j'avais pu lire, des paysages encore plus superbes que la veille.

Nous parcourons toujours la route n°25-1. Chaque kilomètre est peint sur la route. Sachant que le n°0 se trouve au milieu du barrage des Portes du Fer à Sip, nous savons à tout moment où nous en sommes. 

On atteignons maintenant les "cazanele Mari" (les grands chaudrons) juste avant le golfe de Dubova. En effet, à cet endroit, le Danube, devient un large golfe pour redevenir très étroit dans les "cazanele mici" (les petits chaudrons). La route commence à monter beaucoup et cela sera le cas pendant 4 kilomètres environ après lesquels nous atteindrons l'altitude impressionnante de 277 mètres. Nous sommes à Golo Brdo et, si l'on en croit un panneau, nous venons de franchir un col !!!! 

En face, sur la rive roumaine, nous pouvons admirer le monastère Mraconia et l'immense statue de Décébale (roi dace) gravée dans un rocher. C'est un peu le Mont Rushmore des Roumains.

Autant dire qu'il y a un peu plus de monde sur ce tronçon de route mais cela reste très ... "vivable". C'est aussi tout près de là que se trouve la "tabula traiana" commémorant les victoires de l'empereur romain Trajan dans la région. Ce monument a donc plus de 2000 ans !

 

J'attends Karin non loin du sommet : elle s'est arrêtée pour cueillir des fruits au bord de la route. Il est vrai que tout au long du trajet, nous aurons pu savourer pommes, poires, mirabelles, prunes, cerises, ...

Maintenant, nous descendons à vive allure jusqu'à Tekija. Nous nous arrêtons peu après juste en face de la ville roumaine d'Orsova. Quelques minutes plus tard arrivent les Français en camping-car que nous aurons vus à Beli Bagrem et Donji Milanovac.

Nous décidons de la suite de la journée : nous passerons en Roumanie, histoire de ... passer en Roumanie et rejoindrons ensuite Klagovo où nous dormirons ce soir.

Nous traversons le barrage de la Porte du Fer et donc la douane serbo-roumaine. Karin va faire un tour au duty-free shop où l'on vend ... du riz et des pâtes !!!

La queue de véhicules est impressionnante. A vélo, nous passons plus rapidement. Chouette !!! 

Les abords de la douane roumaine sont délirants : bâtiment délabré, "route" en terre avec des ornières monumentales remplies d'eau !!! 

La route jusqu'à Dobreta Turnu Severin est du même tonneau : des trous partout, des rails très hauts à traverser, ... Cerise sur le gâteau : la circulation "camionesque" est intense !!!

Nous faisons un rapide tour en ville et stoppons dans un café histoire de nous rafraîchir : bière et remplissage des bidons. Les fontaines sont bien rares depuis quelques heures.

Dans le café, nous rencontrons un Luxembourgeois parti d'Istanbul qui pédalait ... la nuit pour éviter l'intense chaleur et deux jeunes Suissesses parties du Malojapass (la source de l'Inn) et cherchant à rejoindre l'estuaire du Danube.

Reposés et hydratés, nous reprenons la route en sens inverse pour retourner en Serbie.

Juste avant Klagovo, un cycliste faisant le chemin en sens inverse nous hèle. Il a pris le bus de Belgrade à cette ville et nous demande s'il n'aurait pas raté quelque chose de beau. Nous lui répondons par l'affirmative aussi décide-t-il de repartir d'où il est venu ... mais à vélo cette fois-ci !!!

Klagovo. Nous pistons la plage le long du Danube, la trouvons et la journée se finit donc par une baignade et par une bonne douche froide sur la plage.

Ce soir, nous mangerons au restaurant et dormirons sur le port à l'écart de la ville.

Toutefois, nous avons cru un court instant nous faire inviter mais le Belfortain (marié à une Serbe) rencontré sur la plage ne nous a pas proposé l'hospitalité !

 

Jour 30 (15 Août) : Klagovo - Vidin (видин) - 105 km

Je me réveille très tôt ce matin car un pêcheur venu en voiture m'a réveillé vers 4 heures. J'en profite pour sortir de la tente et admirer un lever de soleil magique. Comme quoi, le bonheur tient à bien peu de choses pour peu que l'on sache encore les apprécier.

Je pense à tout le chemin parcouru, à ce qu'il nous reste à parcourir. Je suis bien ! 

Karin se lève à son tour, elle partage mon émotion et, pendant le petit-déjeuner, nous discutons de l'étape d'aujourd'hui. Si nous voulons aller jusqu'à Vidin, nous allons avoir beaucoup de kilomètres à parcourir et la chaleur déjà présente à cette heure matinale n'est pas là pour nous rassurer.

Nous sommes déjà un peu triste à l'idée de quitter la Serbie. Que de beaux moments et de belles rencontres dans ce pays !

Un café turc avant de nous mettre en route et c'est parti. Première côte à la sortie de Klagovo. Nous redescendons ensuite sur Milutinovac sur les rives du Danube, encore et toujours. S'en suivent quarante kilomètres jusqu'à Negotin où nous stopperons pour la pause méridienne. Un orchestre joue sur la place pour un baptême, deux jeunes filles veulent absolument qu'on les prenne en photo, un homme essaie de nouer le contact avec nous et nous rapporte de la cérémonie ... une bouteille de Coca-Cola.

Il fait très chaud aujourd'hui aussi cherchons nous l'ombre pour ce moment de repos.

Mais, il est temps de repartir si nous ne voulons pas atteindre Vidin trop tardivement.

Karin est fatiguée et j'ai, pour ma part, très chaud même si je commence à m'habituer à ces températures élevées. Bientôt le dernier village serbe et la frontière bulgare. La carte d'identité sud-tyrolienne de Karin intrigue le douanier. Nous traversons toutefois sans encombre et arrivons à Bregovo, le premier village bulgare. 

L'impression est assez inquiétante : on se croirait dans un village désert du bout du bout du monde. Personne dans les rues en mauvais état, aucune voiture sur la route. Comme si cette ville était une ville fantôme ! Reste à gravir la côte de Gamzovo, environ 150 mètres de dénivelé ! Mais, je suis fatigué, je sens Karin fatiguée (même si cela n'était pas vraiment le cas). Nous montons en gérant au maximum, en veillant à ne pas puiser dans nos réserves. Le sommet atteint, c'est une vague d'émotion qui me submerge, je suis heureux d'être là, heureux de savoir qu'il restera à se laisser glisser jusqu'à Vidin, heureux de voir Karin arriver, tout simplement heureux !!! Le ciel s'est obscurci d'un coup. Peut-être pleuvra-t-il avant notre arrivée ? La descente est enivrante : route large et rectiligne, nous y sommes seuls.

Nous atteignons la rocade de Vidin. La route directe pour le centre-ville étant barrée, nous demandons notre route, apprenons qu'il nous faut faire un détour de 5 kilomètres par l'ouest (de quoi faire durer le plaisir ?). Ca y est, nous voici en ville, nous décidons de nous payer l'hôtel. Ce sera l'hôtel Dunav au bord du ... Danube. Nous voyons au loin les lueurs de Calafat, la ville roumaine de l'autre côté du fleuve. 

C'est la dernière fois que nous voyons ce fleuve qui nous aura tenu compagnie pendant de longues journées. Pincement au coeur. La fin de quelque chose, le début d'autre chose, un peu comme un autre départ. Il y eut avant le Danube, pendant le Danube et, à partir de demain, après le Danube. En tout cas, le Danube, même s'il est canalisé, est un fleuve qui fait aimer les fleuves !

Balade nocturne sur ses rives qu'égaient de nombreuses terrasses de café.

Retour à l'hôtel pour une douce nuit.