Bulgarie - Grèce - Bulgarie - Turquie - France

(De Vidin à Istanbul)

 

Jour 31 (16 Août) : Vidin - Sofia en train (видин - софия) - 12 km (!!!)

Je me lève très tôt pour quelques photos d'un dernier lever de soleil sur le Danube. Ensuite, je me dirige vers la gare routière prendre quelques renseignements sur le trajet jusqu'à Sofia. Justement, un bus est prêt à partir. Le chauffeur me dit que ce sera impossible de prendre des vélos. Super !!! Il faudra se rabattre sur le train. Mais je constate avec effroi (j'exagère volontairement pour pimenter le récit !!) que les rails ne viennent plus jusqu'à la gare ! Enfin, je fais le tour des banques pour changer mes dinars serbes en lei bulgares. On m'apprend qu'ici personne n'en veut. Je les changerai à la gare de Sofia à un taux ridiculement bas !

Je retourne à l'hôtel et nous allons tranquillement vers cette gare d'un autre âge. Karin essaie de se faire comprendre de la guichetière. Celle-ci explique qu'il faut prendre le train dans une autre gare à 3 kilomètres de là. Un jeune Bulgare avec un vélo (d'un autre âge lui aussi !) est dans la même situation que nous. Il sera notre ange gardien toute la journée. Une belle rencontre ! Il parle un peu allemand car sa fille, atteinte d'un maladie grave, est souvent soignée en Allemagne.

On nous annonce que nous irons à la gare en bus et puis que ... non, le bus ne peut prendre nos vélos. Juste le temps d'assister à un "comique" trafic de cigarettes dans la gare et il nous faut partir à vélo pour la gare distante de 3 kilomètres.

4 kilomètres, 5 kilomètres, 6 kilomètres, ... Notre ange gardien demande à toutes les personnes rencontrées où est la gare : tout droit, toujours tout droit. On fait des grands signes à un Coréen voyageur que l'on croise sur la route. On arrive enfin à la gare de Dunavsi : 12 kilomètres !! A la décharge de l'employée de gare, un panneau "Vidin 3" trônait à l'entrée de la ville. 

Nous remarquons que toutes les indications d'un autre âge (encore !) dans la gare sont en bulgare et ... en français. Nous chargeons les vélos (le wagon est au-moins 2 mètres au-dessus du quai !!!) et prenons place dans un compartiment. 240 kilomètres jusqu'à Sofia et ... 7 heures de train !!!

La première partie du voyage nous fait traverser de grandes plaines ne nous faisant pas regretter notre choix. Malheureusement, après Mezdra, tout change. La ligne serpente dans l'impressionnante vallée de l'Iskar. A voir les falaises époustouflantes, les paysages sublimes, on se dit que l'on a raté quelque chose. Bah !! On reviendra !!

Arrivée à Sofia. C'est l'heure de quitter notre ange gardien. Beaucoup de joie mêlée de tristesse. C'est beau quand même ces rencontres sans lendemain : on sait que l'on ne se reverra jamais aussi a-t-on profité pleinement des moments passés ensemble.

Recherche d'un hôtel. Comme j'ai l'air de quelqu'un qui cherche, je suis accosté par quelques personnes qui veulent juste m'aider. Merci les Bulgares !!!!

L'hôtel trouvé, la douche prise, nous ressortons humer l'ambiance de cette nouvelle étape. Ce ne sera assurément pas la plus belle du voyage. On sent que Sofia fait tout pour ressembler à une capitale européenne de l'Ouest : panneaux lumineux géants, les mêmes boutiques qu'ailleurs, ...

On sent que le rouleau compresseur uniformisant de l'Union Européenne est en train de passer par là.

Retour à l'hôtel pour une bonne nuit.

 

Jour 32 (17 Août) : Visite de Sofia / Kyustendil (софия / кюстендил)

Pendant que Karin visitera les côtés moins touristiques de Sofia, je profiterai de cette journée pour rendre visite à des amis à Kyustendil (près de la frontière macédonienne). 

Le train entre ces deux villes est le même que celui que nous avons pris entre Salburg et Linz. Le top de la technologie ! Sauf que la ligne n'a pas suivi et que nous profiterons, Mitko et moi,  du paysage (magnifique au demeurant) pendant 3 heures 40 alors qu'il y a ... 110 kilomètres à parcourir !!!

Jour 33 (18 Août) : Sofia - Plovdiv en bus (софия - пловдив)

Nous nous retrouvons, Karin et moi, à Sofia de manière à prendre le bus pour Plovdiv. Comme il reste peu de temps pour arriver à Istanbul, nous choisissons de ne pas effectuer ce trajet à vélo.

Pas de problème cette fois-ci pour embarquer les vélos dans le bus même si nous nous faisons gentiment arnaquer par le chauffeur puisque c'est lui qui, à la tête du client, fixe le montant du supplément pour les vélos. 

Cela reste quand même très bon marché en comparaison de ce que l'on pourrait payer en France.

Vroum, vroum, vroum, tut, tut ! Nous voici arrivés à Plovdiv.

Nous allons pique-niquer dans le grand parc du centre-ville et, ensuite, Karin va visiter la vieille ville : un mélange magnifiquement hétéroclite de vestiges romains et d'habitations très colorées du XIXe siècle.

Ce soir, nous dormirons chez Danail, un ami des amis chez qui j'étais la vieille. Il est chanteur dans un groupe HxC et a déjà vécu aux Etats-Unis. On passe la soirée à discuter avec lui et sa mère, à manger (pour la première fois) des banitsa, on avale - en s'étranglant un peu - son discours méprisant sur les Roms (voleurs, fainéants, sales, ...) et il nous propose de visiter Plovdiv by night avec sa copine. Nous montons jusqu'au plus haut de la colline surplombant la vieille ville. C'est beau !!! Mais nous ne nous y trompons pas. Par exemple, il est plutôt mal venu de montrer des patches ouvertement punks ou anti-racistes tellement les fafs sont implantés ici.

Danail nous fait peur en nous expliquant également qu'il ne fait pas bon se promener la nuit à Sofia, des hordes de chiens sauvages ayant déjà tué des enfants et des vieillards. 

C'est donc assez perplexe que nous rentrons - en voiture - chez Danail.

Demain, nous reprenons les vélos. Cela commençait à nous manquer un peu !!!

 

Jour 34 (19 Août) : Plovdiv - Verbica (пловдив - върбица) - 91 km

Ce matin, Danail nous accompagne jusqu'à la route d'Acenovgrad. Comme toujours : des au-revoirs, mélange de joie d'avoir rencontré quelqu'un de bien et de tristesse de se séparer. Première étape : Acenovgrad. La route est complètement rectiligne sur une vingtaine de kilomètres. On s'ennuie ferme !

Passée la ville, nous poursuivons jusqu'au monastère de Backovo. Nous évitons un long tunnel non éclairé en suivant l'ancienne route et c'est le monastère, le deuxième plus important de Bulgarie après celui de Rila.

Visite et demi-tour jusqu'à Acenovgrad.

Passage au marché où, pour un prix dérisoire, nous faisons le plein de fruits et légumes. Peu après la ville, nous nous arrêterons près d'une fontaine pour manger ce que nous avons en réserve. Des automobilistes, des camionneurs, des Roms en charrette s'arrêtent ici pour faire le plein d'eau. Lorsque nous repartons, un père de famille, pour amuser ses enfants, lance son cheval à toute allure pour essayer de nous semer. Nous suivons la charrette, les enfants rient ! Le cheval ayant tout donné, nous les doublons. Quelques mots échangés, incompréhensibles de part et d'autres. Que pensent-ils de nous ? Mystère !

Nous traversons des villages désertiques et d'un autre temps, du temps du régime soviétique : grande place centrale, grand bâtiment qui doit être la mairie et rien (ou presque) tout autour : Kozanovo, Partiarh Evtimovo, Dalbok Izvor, ...

Nous arrivons à Parvomaj où nous rejoignons la route E80 qui mène en Turquie. En sens inverse, c'est un défilé ininterrompu de voitures allemandes, autrichiennes et françaises de Turcs rentrant de vacances au pays.

Sur notre carte, à côté de Verbica, figure un camping. Nous essayons tant bien que mal de nous faire comprendre mais c'est quasiment impossible. Nous continuons donc notre route. Arrêt à Bjala Reka où j'attends Karin. De l'autre côté de la route, un homme me hèle. Je traverse pour rencontrer Georges, descendant de trois générations de fabricants d'alambics à rakia. Il en vend au bord de la route. Il veut savoir d'où nous venons, où nous allons, ... Il veut surtout être pris en photo avec moi !!! Ensuite, un client approchera et nous le laisserons à ses négociations.

Il commence à être tard, nous sommes fatigués et ... nous ne trouvons aucun camping !!! Il faut se résoudre, car nous n'avons plus d'eau, à aller dans un motel qui fut sûrement très beau il y a plusieurs ... décennies. Tarif à la tête du client et découverte de la chambre où tout ce qui peut être sale est ... sale et où tout ce qui peut être cassé est ... cassé (c'est bien vous suivez !).

Nous verrons trop tard que le seul lieu digne d'intérêt était une magnifique piscine. Pique-nique sur le balcon et nuit agréable quand même tellement nous étions harassés.

 

Jour 35 (20 Août) : Verbica - Bicer (върбица - бисер) - 79 km

Ce matin, nous quittons vite ce bien triste motel pour petit-déjeuner dans un champ à la sortie de Gorski Izvor. C'est tout de même plus agréable ! Notre route nous mène à Dimitrovgrad où nous faisons un tour dans un gigantesque marché de vêtements et autres gadgets venus tout droit de Chine. Malheureusement, pour la nourriture, nous nous rabattrons sur ... Kaufland. Nous quittons cette ville sans charme en direction de Simeonovgrad. Dans le premier village traversé, nous rencontrons 4 jeunes étudiants français de Chambéry. Nous faisons quelques kilomètres ensemble, puis les laissons continuer car il est l'heure de manger. Une réserve naturelle autour d'un lac nous attire. Quelques jeunes travaillent dans une sorte de chantier de récupération de matériaux divers. Ils engagent la conversation : quand nous leur apprenons notre trajet, ils vont et viennent entre l'incrédulité et l'hilarité. Finalement, on arrive à se comprendre même sans parler la même langue.

Nous descendons près du lac, Karin s'y baigne. Nous mangeons à l'ombre quand passe devant nous au ralenti une énorme voiture noire conduite par un homme à la mine patibulaire et aux yeux cachés par des lunettes noires. Quelques minutes après, ce curieux équipage repasse dans l'autre sens. Deux solutions : soit un mafieux en mal de nature préservée, soit un même mafieux qui vient de jeter un corps lesté dans le lac. On a peut-être bien entendu "plouf" maintenant que j'y pense !! 

Dimitrovgrad était une ville quelconque, que dire alors de Simeonovgrad ? Nous nous y arrêtons quand même pour une bière. Un Italien en voiture nous demande la route pour Nova Zagora. Nous n'en savons rien et aucun panneau ne peut l'aider. Peut-être tourne-t-il encore ?

Je vais jeter un oeil sur le plan de la ville et, en bas à droite, est indiquée la direction "Istanbul" ! Première fois que ce nom qui nous a tant fait rêver apparaît ! 

Ma carte indique un camping à Harmanli. Nous nous y dirigeons sur une route refaite à neuf, un vrai billard. Pas de camping si ce n'est un panneau "camping 10 km". Nous apprendrons plus tard que le camping de la carte a fermé il y a ... 12 ans !!! Alors que ma carte date de 2005 !!!!

Voici Bicer et son camping tenu par un Anglais ! 

Nous sommes les seuls ce soir, exception faite d'un chat en mal d'affection.

Petit tour au village en quête de quelque boisson et nourriture. Des rues sablonneuses, des Trabans, des bus hors d'âge, des commerces microscopiques : nous sommes au fin fond du fin fond de la Bulgarie. Mais nous apprécions ce moment de calme même si commence à poindre cette irrépressible mélancolie inhérente à la fin du voyage. Demain, nous entrerons en Turquie.

 

Jour 36 (21 Août) : Bicer (бисер) - Edirne - 96 km

Réveil encore une fois matinal. Nous en sommes remerciés par un ciel aux reflets moirés allant du jaune d'or au bleu cendré. Petit-déjeuner copieux et nous voilà partis en direction de la Turquie. Mais nous n'y irons pas directement ! Nous venons de constater que la Grèce est toute proche aussi, comme pour la Roumanie, nous ferons un petit crochet histoire de ... Nous reprenons la route principale E85 et traversons Lyubimets encore endormie. A la sortie de la ville, un cycliste buvant le café dans une station-service de l'autre côté de la route nous hèle et accourt à notre rencontre. Il fait la route en sens inverse et souhaite obtenir des renseignements sur les conditions de circulation en Bulgarie. Nous parlons de nos voyages respectifs : nous nous sentons presque ridicules ; il est brésilien, est parti de Nouvelle-Zélande il y a quinze mois pour un tour du monde qu'il souhaite terminer à Ushuaya ! Nous repartons en rêvant à un tel voyage ! Dans quelques années ... Nous sommes à présent persuadés que le voyage que nous vivons n'est qu'un début, un tremplin vers d'autres futurs horizons. A l'entrée de Svilengrad, un énorme panneau nous montre la direction d'Istanbul : c'est tout droit. Visite de la ville, tour au marché. Dans la rue principale, grouillante de monde, un alignement bien sage de bicyclettes et de papis nous fait sourire. C'est l'heure de passer en Grèce. La route est large, déserte et joue les montagnes russes. Douane bulgare. Un couple de voyageurs est arrêté aux toilettes. Nous nous dirigeons vers eux. C'est un couple de Néo-Zélandais parti de Londres et à destination d'Istanbul pour y passer l'hiver pour, ensuite, se diriger vers la Chine et la Mongolie. Nous y voyons comme un signe : notre voyage arrivant à son terme, tout nous pousse maintenant à voir plus grand. Douane grecque. Des soldats en armes nous "accueillent" ! Pas cool !!! Pique-nique à Ormenio, en Grèce donc. Nous ne traînons toutefois pas : nous avons rendez-vous à 15h00 à la douane bulgaro-turque avec Ali Alper qui doit nous héberger à Edirne ce soir. Nous sommes très en retard, nous traversons Svilengrad un peu au hasard juste en suivant la direction que donnerait une boussole. Quartier rom, le plus pauvre que nous ayons vu en Bulgarie. Les personnes rencontrées sont bien étonnées de nous voir passer par là ! Je quitte Karin pour éviter de trop faire attendre notre hôte. A partir de Kapitan Andreevo (la dernière ville bulgare), la route n'est plus qu'un immense parking de camions attendant le passage de la frontière. Il y en a sur des kilomètres de long. Karin, seule à ce moment, appréciera très peu cette situation où les regards seront surtout chargés d'ondes négatives. J'arrive à la douane. C'est immense ! Premier check-point, puis un deuxième, puis un troisième, ... C'est interminable ! Enfin, je vois au loin, derrière la dernière guérite, Ali Alper et 5 autres de ses amis cyclistes. Quel accueil !!! Il est 16h00. Je me demande pourquoi Ali et ses amis n'ont pas fait un bout de route à notre rencontre. Il m'apprendra plus tard que cela coûte 60 Euros à un citoyen turc pour franchir la frontière. Mais quand allons-nous abolir toutes les frontières, séparations artificielles entre des gens qui ne demandent souvent qu'à se rencontrer ? Karin arrive juste quelques minutes plus tard. Il reste une vingtaine de kilomètres jusqu'à Edirne. La route est immensément large, nous roulons sur la bande d'arrêt d'urgence. Il fait chaud et le vent de côté, très violent, devient insupportable ! Karin est fatiguée et Ali Alper fait tout son possible pour égayer ce trajet monotone en discutant avec elle. Moi, je sais (car j'ai appris !) que c'est ce qu'il ne faut pas faire ! Sur ce plan-là, on a l'habitude de réagir de la même manière : lorsque c'est dur, rien ne vaut d'être seul avec soi-même !! J'ai aussi appris que la pire des choses à faire serait de lui demander si ça va !!!! Voici Edirne !!! De loin, la mosquée nous paraît gigantesque. Elle l'est ! C'est la plus grande de Turquie, symbole de la grandeur passée de cette ville qui eut longtemps plus de pouvoir qu'Istanbul. Nous traversons encore la ville pour arriver chez notre hôte. Des hauts-parleurs annoncent que l'eau courante est coupée dans certains quartiers de la ville. (On se croirait dans le village du Prisonnier - Vous savez : je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre - !!) Heureusement pour nous, son petit immeuble est alimenté par un puits autonome. Après toutes ces semaines passées dans la campagne, le choc est rude mais également vivifiant. C'est l'effervescence : du bruit, de la vie, des gens partout : juste une douce frénésie. Nous prenons le bus en soirée pour aller visiter quelques mosquées, manger et prendre un verre en terrasse. Mais pas d'alcool, nous en pleine période du Ramaddan. Ali Alper est heureux de nous montrer la ville, nous sommes heureux de la découvrir avec lui. Retour à la maison et douce nuit en perspective.

 

Jour 37 (22 Août) : Edirne - Babaeski - 55 km

Quelques gâteaux et du thé pour le petit-déjeuner. Aujourd'hui, Ali Alper et un de ses amis vont nous accompagner pendant les quarante premiers kilomètres. Sympa !!!! Ali Alper m'avait dit d'être prudent en Bulgarie car les routes sont étroites ... alors que je les trouvais aussi larges que chez nous ! Maintenant, je comprends pourquoi : en Turquie (ou tout du moins de ce que nous en connaissons), les routes sont immensément larges ! Aucun risque !!

Allez, zou, direction Istanbul !!! La route est inintéressante au possible : de longues lignes droites, de fortes montées, des descentes ... pour mieux remonter, des champs de tournesol à perte de vue et des villes champignons comme, j'imagine, on pourrait en trouver au milieu du désert aux Etats-Unis !!! En plus le violent vent du Nord, soit de côté pour nous, rend pénible la progression.

Celle-ci est juste égayée par les parkings (ou même les routes perpendiculaires) servant de séchoirs à graines de tournesol !!!

Nous nous arrêtons à Kuleli boire un dernier thé tous ensemble. Nous sommes l'attraction du village. Karin discute avec les vieux qui, tous, parlent allemand puisqu'ils ont tous (ou presque) travaillé en Allemagne. Ce thé s'éternise, nous ne sommes plus en super forme, le vent et les routes nous ayant transformé le cerveau en bouillie incapable de nous donner l'ordre d'avancer.

Dans un dernier (?) sursaut, après une dernière photo, nous voilà partis. Des grands au-revoirs du bras, un virage puis plus rien. Nous sommes à nouveau seuls !

500 mètres d'une rude côte puis la vue d'un cimetière planté d'arbres (enfin, de l'ombre !!) semble nous dire : "ça suffit !" Nous nous arrêtons donc pour manger et nous reposer. Le repas est perturbé par un chien plus que collant qui cherchera surtout des camarades de jeu. Nous ne sommes pas d'humeur !!! Ali Alper m'avait parlé de la dangerosité des chiens en Turquie. Il est même équipé d'un émetteur d'ultra-sons anti-chiens. Il l'a déjà testé et m'a vanté son efficacité. En l'occurence, nous sommes en présence du seul chien gentil de Turquie !!!! Tant mieux !!!

Pendant que nous mangeons, des familles viennent se recueillir les tombes ! Nous ne savons pas  trop qui sont les plus gênés ! Nous repartons, le moral dans les chaussettes. Une descente, une montée, une grande ligne droite, une montée, une descente, une montée, ... Nous entrons à Babaeski et je dis à Karin, même si cela n'est pas facile, de savourer les derniers kilomètres du voyage sur le vélo. Centre-ville. Nous nous enquérons d'un hôtel : ce sera l'hôtel Balkan. Accueil courtois, une cour intérieure pour nos vélos, une chambre propre pour nous, un prix défiant toute concurrence (que nous n'avons d'ailleurs pas cherchée). Voilà, le voyage à vélo s'arrête là ! Presque ! Nous le verrons plus tard. 

Il s'agit maintenant de faire un tour un ville, de rechercher des informations sur les bus pour Istanbul et d'aller manger dans une sorte de cantine ... où nous mangeons fort bien pour pas cher ! La dernière nuit en voyage !!!

 

Jour 38 (23 Août) : Babaeski - Istanbul en bus

Nous avons négocié - gentiment - notre trajet en bus : l'équivalent de 7,50 Euros par personne, vélos et bagages compris. Cool !!!

Le reste du voyage confirme notre impression de la veille : des routes inintéressantes, des villes champignons, des immeubles ultramodernes et des champs de tournesol partout.

Ca y est ! Nous sommes à la gare routière d'Istanbul.

Nous sortons nos affaires et les vélos. Tout le monde nous regarde comme si nous étions des extra-terrestres. Notre mission : rejoindre le quartier d'Uskudar sur la rive asiatique de la ville.

Nous demandons notre route une fois, deux fois, trois fois, ... sans bouger de la gare routière tellement la réponse nous estomaque. Il faut prendre l'autoroute !!!! Nous passons devant la cabine de péage dans laquelle l'employé ne semble même pas étonné de nous voir passer et c'est parti !!! La bande d'arrêt d'urgence fait environ ... 50 centimètres de large, des sorties à droite sont de vrais coupe-gorges ! Vu la direction prise par l'autoroute, je pense qu'il faut que l'on sorte de ce piège. On soulève les vélos pour passer de l'autre côté de la glissière de sécurité. Un terrain vague et, à nouveau, des rues dans un quartier d'ateliers textiles. On demande notre route : tout droit et ... on retombe sur une autre autoroute. Un bouchon dû à un accident nous oblige à stopper, nous demandons encore : c'est tout droit. A la sortie suivante, nous nous arrêtons pour vérifier notre route : un motard s'arrête un peu devant nous et nous fait signe. Il veut nous accompagner ! C'est gagné ! Nous arrivons au bord de la Corne d'Or où nous mangeons ce qui nous reste. Un voyageur à vélo arrive ! Nous discutons. Il est italien, il a passé un mois et demi en Turquie après être venu d'Italie en cargo.

De retour en France, j'apprendrai qu'il s'agit d'Emilio Rigatti, professeur et voyageur écrivain avec, notamment à son actif, un livre intitulé :"la strada per Istanbul". Ca ne s'invente pas !!!!

Peu après, nous traversons le Bosphore sur un ferry et rejoignons l'appartement où Deniz doit nous héberger. Nous rencontrons à cette occasion, 3 autres Français, des Lensois venus de Budapest à vélo, que Deniz héberge également.

Jours 39, 40, 41 (24, 25, 26 Août) : Visite d'Istanbul

Suivent alors trois jours vivifiants pendant lesquels nous n'aurons de cesse de découvrir cette ville tentaculaire. Grâce à Deniz, nous profiterons des meilleurs endroits. 

En particulier, nous garderons un souvenir enthousiaste de notre balade nocturne à vélo. Nous partons tous les 6 (Deniz, les 3 Lensois et nous) en longeant le Bosphore en direction du Nord. La circulation de nuit est toujours intense - et dangereuse - mais moins dense que la journée. Nous passons sous le premier pont traversant le Bosphore. Il brille de mille feux changeant. Nous continuons, passons cette fois-ci sous le pont de l'autoroute et atteignons notre destination : un petite boutique insignifiante, sans publicité, sans néon tapageur, ... où nous mangerons les meilleurs yaourts artisanaux de toute la ville ! 

Assis là, le Bosphore à nos pieds, les cargos énormes glissant sans bruit, nous savourons.

Je me remémore certains événements du voyage : mélange de joie et de mélancolie. C'est déjà fini. A bien y réfléchir, ce ne sont pas les plus beaux paysages qui me restent. Finalement, j'en suis heureux : heureux d'être capable de profiter de tout, même de ce qui n'est pas, à priori, époustouflant. Peut-être appelle-t-on cela la sagesse, celle qui vient avec l'âge ?

Il en est de même pour tous les petits moments de la vie quotidienne de ce périple. Un sourire, une ligne droite avec le vent dans le dos, un lever de soleil que d'aucuns trouveraient quelconque, ...

Nous avons passé un mois et demi hors du temps ou plutôt avec un temps rythmé par le soleil, nos envies et nos besoins ! Un temps à nous et pour nous, en somme. Mais il est temps de bouger !!

Nous repartons, faisons quelques haltes le long de l'eau à admirer des vues plus belles les unes que les autres sur la partie occidentale de la ville. Des jeunes s'élancent de la route pour plonger dans le Bosphore.

Nous finissons dans le quartier de Kädiköy, assis sur des marches le long de l'eau à déguster de concert un thé parfait.

Il est temps de remonter à Üsküdar (pfffff !!! la côte), de prendre des rues en sens interdit, de passer aux rouges, ... sans que les flics ne disent rien : les cyclistes sont transparents pour les chauffeurs de bus, pour les automobilistes et pour ... la maréchaussée !!

Nous profitons de notre dernier jour pour longer la Mer de Marmara en direction de l'Est. Une piste cyclable agréable nous conduit jusqu'à Bostanci. Elle longe de belles plages où nous souhaitons nous baigner. Malheureusement, il nous faut payer l'équivalent de 5 Euros par personne.

Karin savourera quand même la baignade en partant de gros rochers isolés. Perdu dans mes pensées, je savoure encore et toujours.

Il est maintenant temps de rentrer et préparer les sacs pour le retour. Demain, nous partirons tôt.

Je récupère le long du chemin d'immenses feuilles de papier-bulle que des ouvriers, chargés de monter des écrans géants qui serviront à suivre le championnat du monde de basket-ball commençant le lendemain, abandonnent sur les pelouses.

Trouvaille providentielle pour emballer les vélos !

Dernière soirée à partager quelques verres ...

 

Jour 42 (27 Août) : Retour en avion

Nous partons tôt ce matin car nous avons décidé d'aller à l'aéroport Ataturk à vélo.

Nous prenons le ferry pour Sirkeci. Ensuite c'est la route du bord de mer : la Kennedy Caddesi : route à 4 ou 6 voies où, heureusement, le trafic est plutôt "léger" en cette heure matinale.

Bifurcation à droite, nous voyons l'aéroport. Dernière montée. Ca y est ! Nous y sommes !

Emballage des vélos, paiement des suppléments, tri et rangement des affaires dans les différents sacs, attente, passage des douanes, attente, entrée dans l'avion.

C'est fini.

C'est fini sur le papier mais nous savons déjà que ce voyage nous accompagnera longtemps. Nous voulons ne pas y voir la fin de quelque chose mais le début, l'étincelle qui déclenche de nombreux changements aux niveaux intra et interpersonnels.

 

C'est fini ! Comme vous avez bien suivi, vous ne serez pas étonnés de ne pas trouver de Top 10  ou de Flop 10. Le voyage est ce qu'on en fait, pas ce qui nous est donné de voir ou de rencontrer.

On ne voyage pas pour voir des choses, on voyage pour ... voyager !!!!